Lettre du 22-23 septembre 2005, arrivée le 8 octobre

Publié le par Christelle Gaborieau

22/09/05
 
Bonjour tout le monde,
 
Cela fait maintenant 2 jours que je suis arrivée au Tchad et j’en ai des choses à vous raconter. Je ne sais pas par quel bout commencer. Bon, je vais reprendre depuis le début.
 
Aéroport CDG à Paris – j’ai le cœur bien gros. Je m’étais promis de ne pas pleurer mais impossible de retenir mes larmes. Je réalise que je pars pour deux ans et que je ne reverrai pas ma famille, mes amis et la France de sitôt. Dur, dur. Mais bon, quand il faut y aller, il faut y aller.
 
En route vers mon avion, de la compagnie Afriqiyah (je ne crois pas qu’elle fasse partie de la liste noire des compagnies !).
 
À bord des deux avions que je prends, un repas nous sera servi. Le menu ne me laisse pas un souvenir impérissable, à part peut-être le fromage « Funny Cow » (traduction approximative de notre célèbre « Vache qui rit »), un dessert nuage de couleur rose Barbie et dont le goût approche le malabar à la fraise et un délicieux gâteau au sésame (je vous ai mis la traduction car si je vous avais écrit (… en arabe), je ne suis pas sûre que vous auriez compris).
 
Également à bord des deux avions, nous avons à la télévision de bord un épisode de Friends (sans le son et sous-titré en arabe), Tom et Jerry, Mister Bean et l’équivalent canadien de Vidéo Gag.
 
1ère étape du voyage : Tripoli.
Auparavant, nous avons survolé la France (le mauvais temps qui y règne ne m’a pas permis de voir autre chose qu’une chaîne de montagnes enneigées perçant une plaine uniforme de nuages – spectacle magique !).
 
Notre survol de la mer Méditerranée est absolument fabuleux, la mer brille et le temps est clair. Nous remarquons aussi plusieurs bandes de terre. Mais là, ma méconnaissance de notre itinéraire exact et de la géographie m’empêche de préciser s’il s’agissait d’une grande île (Chypre ? La Corse ? La Sicile ? ) ou bien du talon de la botte de l’Italie.
 
La descente vers Tripoli est vertigineuse. J’ai pourtant plusieurs atterrissages à mon actif. Mais là, je me cramponne à mon siège. Je me demande même si nous allons amerrir ou atterrir en catastrophe sur la ville de Tripoli car je ne vois pas d’aéroport.
 
Malgré tout, j’ai l’occasion de jeter un coup d’œil par le hublot et c’est stupéfiant. Les concessions (traduction : terrain appartenant à une famille, entouré par un mur) sont des carrés parfaits, ce qui fait ressembler la Libye à un damier (les amateurs d’ordre et de rigueur apprécieraient). Finalement, nous atterrissons sans aucun dommage.
 
De la Libye, je ne vois rien à part les panneaux de l’aéroport en arabe et en anglais.
 
Deux heures après, direction le 2ème avion.
 
Le décollage est prévu à 19h30 et l’avion est rempli à moins de 10 %. Étrange ! Peu à peu, les gens arrivent. Je viens de comprendre : l’heure indiquée sur mon billet d’avion est l’heure théorique de décollage et donc l’heure d’arrivée des passagers. En effet, des familles entières arrivent avec Monsieur, ses deux ou trois femmes, la grand-mère, les 5 ou 6 enfants et un nombre incalculable de bagages de cabine dont le poids et les dimensions excèdent largement les dimensions autorisées. Dire que j’ai tant peiné pour faire respecter le poids à mon bagage de cabine !!
 
Enfin, quand tout ce petit monde est installé, nous décollons avec seulement … trois quarts d’heure de retard. Un détail !
À mon grand regret, il est 20h10 et il fait déjà nuit noire. Je ne verrai donc rien du Sahara.
 
À 23 h, nous atterrissons à l’aéroport international de N’Djaména.
 À peine sortie de l’avion, une première surprise. Il fait chaud, ça je m’y attendais, mais aussi extraordinairement humide. Je croyais que le Tchad était un pays sec !! En 5 secondes, je suis trempée des pieds à la tête ! Bou ! C’est encore la saison des pluies.
 
Direction la douane que je franchis sans trop d’encombre. Je rencontre les trois coopérants déjà sur place et venus m’accueillir. Je suis heureuse d’être prise en charge car la suite est burlesque. Il s’agit de récupérer mes bagages. Les bagages arrivent sur les tapis roulants et c’est la cohue. Chaque personne est accueillie par 4, 5, 10 personnes et c’est à qui récupérera le plus vite ses bagages. Certaines personnes escaladent les tapis, se laissent porter par eux sur plusieurs mètres. Il faut ajouter à cela des chariots dans tous les sens, des porteurs de bagages, des mendiants, des forces de l’ordre. Cela génère une sacrée pagaille.
 
Je récupère tant bien que mal deux de mes sacs mais impossible de mettre la main sur ma valise. Finalement, je la retrouve dans un coin de la salle, deux secondes avant que quelqu’un l’emporte. Il était temps…
 
Nous nous dirigeons maintenant vers la sortie. Une autre bataille nous attend. Il faut prouver aux gardes que les valises qu’on emmène sont bien les siennes. Or, la mienne a perdu son code-barres. Je dois donc montrer mon passeport, justifiant ainsi que je porte bien le même nom que celui inscrit sur la petite étiquette en cuir. Enfin, je ne sais par quel miracle nous échappons à la fouille systématique des bagages.
En route vers la maison, où je m’endors rapidement.
 
Le lendemain, réveil à 6h30, ce qui est vraiment une grasse matinée au Tchad. Pour moi, les 5 petites heures de sommeil me semblent bien insuffisantes. J’accompagne les autres coopérants à leur travail car je pourrai ainsi commencer les formalités à l’Ambassade de France, à la police, etc.
 
J’ouvre le portail de la maison dans laquelle j’ai dormi et je découvre le quartier. Une route complètement défoncée, avec des ornières remplies de boue, est bordée par deux fossés qui collectent les eaux usées. Des déchets en nombre incalculable jonchent le sol. (Heureusement, mon précédent travail m’a habituée à la vue des déchets.) Au milieu de tout cela, des poules, des canards, des chèvres, des enfants pataugent allègrement. Le spectacle de la rue est désolant.
 
Je monte dans la voiture et nous voilà partis. Je découvre le Code de la Route tchadien. Une seule règle : ceux qui entrent sur un rond-point sont prioritaires. Sinon, c’est la loi de la jungle. Des files ininterrompues de piétons, de vélos, de mobylettes encombrent la moitié de la chaussée. Il reste l’équivalent d’une largeur de voiture au centre de la route et il faut passer à deux. La conduite du chauffeur de la voiture me donne des sueurs froides et pourtant, je dois reconnaître qu’elle est tout à fait adaptée à la situation. Le klaxon est utilisé abondamment et sert bien souvent de clignotant. Sur la route, nous croisons toutes sortes de « véhicules » : des chevaux tirant des charrettes, des minibus bondés, des voitures débordantes (en largeur, en hauteur) de toutes sortes d’objets hétéroclites, des ânes, des hommes tirant eux-mêmes des charrettes à bras et bien sûr encore de la volaille, des chèvres, des vaches.
 
La rue est un spectacle permanent pour mes yeux d’occidentale. A 14 heures, la journée est terminée. Nous rentrons nous coucher. Il fait 33°C et je suis épuisée avec toutes les émotions du début de mon séjour. La fin de soirée se déroule tranquillement avec deux ou trois petites emplettes à droite et à gauche. J’achète mon premier pain : 150 francs CFA.
 
Je mange avec les autres coopérants dans leur maison et commence alors une autre aventure : la chasse à la souris.
 
Nous sommes en train de discuter tranquillement lorsque l’autre coopérante, arrivée de fraîche date, se met à hurler. Elle vient de voir descendre une souris du faux-plafond. Le gardien de la maison s’arme donc d’un bâton et nous tentons mais en vain de retrouver et de tuer cette souris.
Sonia, l’autre coopérante, m’explique qu’ils en ont déjà tué 3 la veille. Je n’ai pas spécialement peur des souris mais la maison est sombre (puisqu’il n’y pas d’électricité) et je ne suis guère rassurée. C’est vrai que j’ai côtoyé des rats fréquemment lors de mon précédent travail, au milieu des tas de déchets. Mais le contexte est différent et j’ai eu mon lot d’émotions depuis le début de la journée.
Quelques instants plus tard, je vais dans ma chambre et là, je vois surgir du milieu de ma valise … la fameuse souris.
 
Alors là, la perspective de dormir au voisinage de la souris ne me dit vraiment rien du tout. Je n’ai pas le choix. Je m’enferme dans ma moustiquaire, rempart psychologique contre toutes sortes de bestioles. Je mets mes boules Quiès pour ne pas entendre les cavalcades des souris, le concert d’aboiements incessants des innombrables chiens errants, les pleurnichements humains des chauve-souris carnivores… et je dors.
 
Jeudi 22.
Le lendemain, le soleil a chassé les bêtes infernales.
Je pars à la Procure (le lieu où siège le procureur, c’est-à-dire l’administrateur des biens du diocèse et non pas une célèbre librairie parisienne) pour y rencontrer la Directrice de l’école où je travaillerai. Nous faisons connaissance et elle m’emmène à l’Ambassade de France pour y faire établir ma « carte consulaire ».
 
Je pénètre dans un bâtiment anachronique. On dirait la France. Les salles sont propres, rangées, climatisées. Des ordinateurs dernier cri siègent sur des bureaux monumentaux en bois précieux et des hommes en costume cravate vous accueillent avec le sourire. Les bâtiments sont même conformes aux normes de sécurité françaises : des détecteurs de fumée, des alarmes incendie et des extincteurs de la même marque que ceux de mon ancienne entreprise. Pour ceux qui ne le savent pas, ce type de détail complètement anodin pour la majorité des gens me saute aux yeux dès que j’entre dans un bâtiment car cela constituait une part importante de mon ancien métier. Je suis dans un autre monde…
 
Le reste de la matinée se passe en emplettes diverses et variées car le passage sur N’Djaména est toujours l’occasion pour les « broussards » de s’approvisionner en produits introuvables ailleurs que dans la capitale : du papier toilette, du scotch, des serrures, des pneus, une mobylette.
 
L’après-midi, c’est la sieste rituelle et les activités calmes jusqu’au repas du soir.
 
Le soir, miracle, nous avons de l’électricité pendant quelques heures. Nous ne profitons pour faire tourner les ventilateurs et regarder le journal télévisé français sur TV5.
 
Nous entendons soudain un vrombissement particulièrement fort. Un avion survole la capitale à basse altitude pour pulvériser de l’insecticide. Le problème me donne l’impression d’être pris à l’envers : N’Djaména est une décharge à ciel ouvert, et les eaux usées sont collectées dans des marigots. Comment voulez-vous que les moustiques ne prolifèrent pas ? Je ne suis pas sûre que cette mesure soit d’une efficacité quelconque.
 
Vendredi 23.
Dernier jour dans la capitale. Nous accueillons Rosario, une sœur portugaise qui va venir enseigner l’anglais au collège. Ouf ! C’est une matière que je redoutais particulièrement d’enseigner. A priori, je serai donc prof de maths, dessin, chant et peut-être biologie dans 3 classes. Mais c’est à peu près tout ce que je sais. Ce sera sans doute l’objet de ma prochaine lettre.
 
Samedi, le départ est prévu à 5 heures du matin.
 
En route pour Bitkine…

Publié dans christelle-tchad

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