Lettre reçue le 28 mars

Publié le par Christelle Gaborieau

NOUVELLES DE CHRISTELLE

 

 

 

 

Bitkine, le 11 mars 2006

 

 

 

 

Bonjour tout le monde,

 

 

 

 

 

 

 

 

J’espère que tout se passe bien de votre côté. Je vous imagine tout blancs et attendant avec impatience les premiers jours de soleil.

 

 

 

Pour moi, je n’attends pas vraiment le soleil et la chaleur : ils viennent tous les jours.

 

 

 

Dans ma dernière lettre, je vous avais parlé de la chaleur. Celle-ci est souvent accompagnée maintenant de vents de sable violents. Pendant ces journées où le vent souffle en continu, le ciel devient blanc, non pas à cause des nuages, mais plutôt de la poussière. Elle est partout, elle s’infiltre dans toutes les pièces. Une paire de chaussures que je vais laisser le soir à côté de mon lit sera recouverte le lendemain matin d’une couche de poussière jaune clair, et alors même que la pièce est fermée.

Il y a parfois tellement de poussière que le Mont Guéra et les autres montagnes disparaissent totalement à nos yeux, comme s’il y avait un épais brouillard. Le vent est chaud, sec, et il se fait une joie de faire virevolter les sacs plastiques et autres déchets amassés dans les rues. Un vrai plaisir !

En ce moment, ceux et celles qui sont accros du balai et du plumeau s’acharneraient en vain à rendre les pièces propres et à faire reluire les meubles cirés. Cela les rendrait très malheureux. Heureusement, ce n’est pas mon cas, et je cohabite sans trop de difficulté avec la poussière.

 

 

 

Le 8 mars dernier, c’était la journée de la femme. Pour un certain nombre d’entre vous, cela a dû passer totalement inaperçu. Mais ici, impossible de l’ignorer. Et d’abord pour nous car c’est un jour chômé. Et puis surtout parce que c’est un branle-bas de combat.

 

 

 

Nous avions donné rendez-vous à nos élèves à 7 heures 30 devant la mairie. Je m’y rends tranquillement à 8 heures : il y avait en tout et pour tout 10 filles arrivées. Bon, je commence à avoir l’habitude de l’heure tchadienne. Et je suis vraiment ponctuelle par rapport à l’ensemble des Tchadiens, ce qui n’est pas ma principale qualité en France pour ceux qui me connaissent un peu.

Les filles arrivent peu à peu, arborant une multitude de barrettes dans leurs cheveux qu’elles ont « défrisés » avec je ne sais quel produit miracle. Certaines portent également des serre-têtes pailletés, des lunettes fines, des bracelets en nombre incalculable. De vraies poupées Barbie mais noires !

Pour la tenue, elles portent leur uniforme de collège, mais sans le foulard de tête (enfin, certaines n’avaient pas eu le courage de l’enlever).

 

 

 

À 9 heures, le cortège s’ébranle : les 200 filles de l’école primaire catholique, les 80 filles de l’école publique, les 96 filles du collège, les 30 filles du collège/lycée public et 15 femmes d’association. Et tout ce petit monde, dans l’uniforme d’écolière ou de collégienne, a marché au pas, au son des sifflets, dans tout Bitkine, sous le regard des hommes venus nombreux pour la circonstance.

Elles ont ensuite tenu de grands discours sur le droit des femmes, devant les personnalités officielles, et disputé un match de foot l’après-midi. Sœur Isabelle m’a glissé à l’oreille, en voyant tous ces messieurs qui venaient observer attentivement ces demoiselles, qu’ils venaient ici choisir leur future femme.

Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser qu’on les autorise un jour par an à s’habiller et à se coiffer à leur guise, à émettre des souhaits sur le sort des femmes, pour qu’elles se taisent et se soumettent les 364 autres jours. C’est ma vision personnelle.

 

 

 

Bon, voilà, ce sera tout pour aujourd’hui.

À bientôt dans une prochaine lettre.

 

 

 

Christelle

 

 

 

Publié dans christelle-tchad

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